CRISE MALIENNE : Prendre le temps d'une bonne transition, pour une stabilité durable !

 

La CEDEAO maintient encore ses sanctions contre le Mali pendant que le peuple souffre dans ce contexte de pandémie. La proposition de 2 ans de durée de transition faite par la CNP est considérée comme longue par la CEDEAO et perçue par certains comme un moyen de l’armée de s’``éterniser`` au pouvoir.

Mais, ne devrait-on pas prendre le temps d’une bonne transition pour une stabilité durable ? l’histoire récente du Mali a montré que les méthodes de résolutions utilisées n’ont pas donné les résultats escomptés. Ces récents évènements en sont une illustration parfaite !

DES METHODES NON DURABLES

Le coup d’État de Mars 2012 a vu l’exacerbation de l’offensive des rebelles du MNLA[1] qui s’emparent de Kidal, Tombouctou et Gao, avec le soutien des groupes de groupes Djihadistes d’Ansar Dine, AQMI et du MUJAO ; mettant ainsi à rude épreuve l’intégrité territoriale du Mali et s’étant soldé de centaines de morts.

Dans ce contexte, la CEDEAO avait lancé un ultimatum à la junte pour rétablir l’ordre constitutionnel sous peine de représailles diplomatiques et financières, après avoir fait une menace d’une action armée. L’armée, qui se préoccupait de l’intégrité territoriale et qui avait déjà était affaiblie par la rébellion et les djihadistes au Nord et centre du pays, signa alors un accord de sortie de crise en s’engageant à rendre le pouvoir aux civils.

Aujourd’hui, l’ensemble des mouvements de l’AZAWAD[2], réunis dans la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) signent en Juin 2015 un accord de paix, encore fragile, issu du Processus d’Alger[3], comportant un certain nombre de points dont la préservation de l’intégrité territoriale et l’unité du Mali, une équité territoriale dans le développement des diverses régions, la lutte contre le terrorisme, le recours au dialogue et le renoncement à la violence, le respect des droits de l’homme entres autres.

UNE VOLONTÉ DE PAIX DURABLE

Dans leur adresse aux populations suite à leur coup de force et la démission de IBK, les officiers du Conseil National pour le Salut du Peuple (CNSP) affirment leur attachement à cet accord d’Alger. De son côté, la CMA s’est fendue d’un communiqué[4] dans lequel elle prend acte des évènements et de la déclaration des militaires et lance également un appel « à la construction d’une résolution globale de toutes les crises qui entravent la bonne marche du pays, et surtout la mise en œuvre intégrale et diligente de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger avec l’accompagnement de tous les partenaires internationaux. »

On peut comprendre à travers ses différentes déclarations, une volonté commune des parties d’accéder à la paix par la mise en œuvre du protocole d’Alger – mais surtout un besoin de soutien et d’accompagnement dans ce processus.

Avec le risque d'instabilité et de chaos redouté dans le pays, il sera plus JUDICIEUX d’accompagner le CNSP dans la transition plutôt que d’appliquer au pays des mesures trop contraignantes surtout sur les plans économiques et dans un contexte de crise liée à la pandémie du COVID-19. D’ailleurs, dans ses premières déclarations après sa conférence, la CEDEAO soutient que « Le Mali est dans une situation critique, avec des risques graves qu'un affaissement de l'Etat et des institutions n'entraîne des revers dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, avec toutes les conséquences pour l'ensemble de notre communauté". Elle reconnait donc elle-même le risque lié au terrorisme et ses conséquences.

DES REFORMES EN PROFONDEUR DE LA CEDEAO

La CEDEAO, qui maintient encore des sanctions contre le Mali devra reconsidérer sa stratégie de résolution du conflit et l’adapter aux réalités conflictuelles et sociales du pays ; d’une manière générale, de profondes réformes sont nécessaires dans ses protocoles pour à l’avenir tenir compte de des particularités des crises et des régions dans lesquelles elles se produisent. Car le renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance dans les états ne devrait profiter qu’aux peuples souverains. Il faut une CEDEAO des peuples !

Il est évident que la démarche de la CEDEAO ne fait pas l’unanimité, notamment dans ses mesures économiques préalablement posées, alors que l’objectif est d’éliminer la souffrance du peuple dans ce contexte de pandémie de surcroit. Certains chefs d’états ont compris cette nécessité d’adaptation des interventions, plutôt que de se fier à la lettre à des protocoles fixes et inadaptés. C’est le lieu de magnifier les propositions salutaires et humanitaires de son Excellence le Président Macky Sall, qui par sa vision et dans un langage très diplomatique, met de l’avant l’intérêt des populations en s’opposant à une intervention armée et en priorisant l’approvisionnement du pays en denrées de première nécessité.

La CNSP n’est pas contre un retour à l’ordre constitutionnel et il l’a affirmé et l’a démontré de par son mode d’action qui a permis jusque-là de ne déplorer aucune perte de vie humaine. Mais, cette présente transition devra prendre le temps et être encadré avec tous les moyens ; elle devra être inclusive et tenir compte des différentes composantes, des accords et des sources de discordes. C’est la raison pour laquelle la proposition de transition de 3 ans puis 2 ans faite par la CNP devrait être acceptable ; l’histoire encore récente de ce pays révèle que les transitions rapides et superficielles n’ont pas permis l’instauration d’une stabilité durable dans le pays.

Certains analystes, à raison d’ailleurs, attribuent une grande part de responsabilité de la CEDEAO dans ce qui se passe au Mali, car l’organisme a été par le passé très pressé de rétablir l'ordre constitutionnel après les coups de force, en ``propulsant’’ ainsi l’accès au pouvoir de personnes ``incompétentes’’ sans aucune conscience des réalités et des défis !

Comme l’a si bien souligné le Président Macky Sall, il faudra user de « ... lucidité et accompagner le Mali par le dialogue pour un retour à l’ordre constitutionnel… ».

En termes clairs, la CEDEAO doit lever ses sanctions et accompagner le Mali vers le retour à la normalité par un dialogue consensuel. Elle doit penser au peuple !

Vivement une CEDEAO des peuples !

 

Cheikh Oumar Dieng



[1] Mouvement National de Libération de l’AZAWAD

[2] MNLA, HCUA, MAA, CPA…

[3] L’accord d’Alger est signé en 2015 entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA)

[4] Communiqué N° 11/CD/CMA/2020 du 20 Août 2020, par son porte-parole Almou AG Mouhamed

 


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