CRISE MALIENNE : CEDEAO - LES MESURES COERCITIVES D’HIER NE PEUVENT PROSPERER DANS LE CONTEXTE ACTUEL DE STABILITE PRECAIRE DE LA SOUS-REGION
Le coup d’État de Mars 2012 a vu l’exacerbation de l’offensive des
rebelles du MNLA[1] qui
s’emparent de Kidal, Tombouctou et Gao, avec le soutien des groupes de groupes
Djihadistes d’Ansar Dine, AQMI et du MUJAO ; mettant ainsi à rude épreuve
l’intégrité territoriale du Mali et s’étant soldé de centaines de morts.
Dans ce contexte, la CEDEAO avait lancé un ultimatum à la junte pour
rétablir l’ordre constitutionnel sous peine de représailles diplomatiques et
financières, après avoir fait une menace d’une action armée. L’armée, qui se
préoccupait de l’intégrité territoriale et qui avait déjà était affaiblie par la
rébellion et les djihadistes au Nord et centre du pays, signa alors un accord
de sortie de crise en s’engageant à rendre le pouvoir aux civils.
Aujourd’hui, l’ensemble des mouvements de l’AZAWAD[2],
réunis dans la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) signent en Juin
2015 un accord de paix, encore fragile, issu du Processus d’Alger[3],
comportant un certain nombre de points dont la préservation de l’intégrité
territoriale et l’unité du Mali, une équité territoriale dans le développement
des diverses régions, la lutte contre le terrorisme, le recours au dialogue et le
renoncement à la violence, le respect des droits de l’homme entres autres.
Dans leur adresse aux populations suite à leur coup de force et la
démission de IBK, les officiers du Conseil National pour le Salut du Peuple
(CNSP) affirment leur attachement à cet accord d’Alger. De son côté, la CMA
s’est fendue d’un communiqué[4]
dans lequel elle prend acte des évènements et de la déclaration des militaires
et lance également un appel « à la construction d’une résolution globale de
toutes les crises qui entravent la bonne marche du pays, et surtout la mise en
œuvre intégrale et diligente de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu
du processus d’Alger avec l’accompagnement de tous les partenaires
internationaux. »
On peut comprendre à travers ses différentes déclarations, une volonté
commune des parties d’accéder à la paix par la mise en œuvre du protocole
d’Alger – mais surtout un besoin de soutien et d’accompagnement dans ce
processus.
Le Colonel Assimi Goita, qui préside la CNSP, a
fait partie de l’unité d’élite très discrète au sein de l’armée malienne (les
Fama), qui a été très active ces dernières années au centre du pays durement
touché par le terrorisme et la violence. C’est dire donc, qu’il est
parfaitement au courant des enjeux sécuritaire et de défense.
Dans ce contexte, il est clair que les menaces de la CEDEAO visant au
rétablissement du président IBK n’entraineront que le chaos, car il est évident
que le président déchu, qui avait plongé le pays dans l’impasse, semblait ne
pas prendre les véritables enjeux du pays au sérieux et avec un échec
total de sa politique économique et sociale, une gouvernance clanique et une
gestion catastrophique de la défense nationale. Comment peut-on concevoir un
Président de la Commission Défense à l’assemblée, en l'occurrence son fils
Karim, dilapider les ressources du pays au vu et su de tout le monde, alors que
l'intégrité nationale souffre et que rien n’est maitrisé ?
Avec le risque d'instabilité et de chaos redouté dans le pays, il sera
plus JUDICIEUX d’accompagner le CNSP dans la transition plutôt que de rétablir
un président qui est très contesté et de surcroît ayant déjà démissionné.
D’ailleurs, dans ses premières déclarations après sa conférence, la CEDEAO
soutient que « Le Mali est dans une
situation critique, avec des risques graves qu'un affaissement de l'Etat et des
institutions n'entraîne des revers dans la lutte contre le terrorisme et le
crime organisé, avec toutes les conséquences pour l'ensemble de notre
communauté". Elle reconnait donc elle-même le risque lié au terrorisme
et ses conséquences.
La CEDEAO devra à l'avenir reconsidérer sa stratégie de résolution de
ce genre de conflit en apportant des réformes en profondeur dans ses protocoles
pour tenir compte de certains cas de soulèvement ! Nos chefs élus pourront, par
exemple un jour, prêter serment à la CEDEAO et être destitués s’il est prouvé
une impopularité au sein du peuple ou bien une mal gouvernance ! Car le
renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance est pour l’intérêt du
peuple souverain. Il faut une CEDEAO des peuples !
Il est évident que la démarche de la CEDEAO ne fait pas l’unanimité,
notamment dans ses mesures économiques préalablement posées, alors que l’objectif
est d’éliminer la souffrance du peuple dans ce contexte de pandémie de surcroit.
Je salue au passage les propositions salutaires et humanitaires de son
Excellence le Président Macky Sall,
qui par sa vision et dans un langage diplomatique, pense d’abord aux
populations en refusant une intervention armée et en priorisant
l’approvisionnement du pays en denrées de première nécessité.
Certains analystes, à raison d’ailleurs, attribuent une grande part de
responsabilité de la CEDEAO dans ce qui se passe au Mali, car l’organisme a été
par le passé très pressé de rétablir l'ordre constitutionnel après les coups de
force, en ``propulsant’’ de l’avant des ``incompétents’’ sans aucune conscience
des réalités et des défis ! Juste parce qu’on a été ministre, ou haut cadre
dans une institution internationale ou recommandé par je ne sais quelle
puissance !
La CNSP n’est pas contre un retour à l’ordre constitutionnel et il l’a
affirmé et l’a démontré de par son mode d’action qui a permis jusque-là de ne
déplorer aucune perte de vie humaine. Mais, cette présente transition devra
prendre le temps et être encadré avec tous les moyens ; elle devra être
inclusive et tenir compte des différentes composantes, des accords et des sources
de discordes.
Comme l’a si bien souligné le Président
Macky Sall, il faudra user de « ... lucidité concernant le recours à la
force qui nécessiterait un mandat de l’ONU. Il faut accompagner le Mali par le
dialogue pour un retour à l’ordre constitutionnel… ».
En termes clairs, la CEDEAO ne doit pas recourir à une action armée et
se doit d’accompagner le Mali vers le retour à la normalité par un dialogue
consensuel.
Cheikh Oumar Dieng
Chodieng@gmail.com
[1] Mouvement National de
Libération de l’AZAWAD
[2] MNLA, HCUA, MAA, CPA…
[3] L’accord d’Alger est
signé en 2015 entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de
l’Azawad (CMA), une alliance de groupes armés rebelles touareg et arabes
regroupant le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut
Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), une aile du Mouvement arabe de l’Azawad
(MAA), la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) et une aile de la
Coordination des Mouvements et Front patriotique de résistance (CM-FPR2)
(Source : http://www.afrique-gouvernance.net )
[4] Communiqué N°
11/CD/CMA/2020 du 20 Août 2020, par son porte-parole Almou AG Mouhamed
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